Je viens de finir un ouvrage intéressant qui m'a appris pas mal de choses dans un domaine que je ne connaissais pas. Je vous propose un petit thread pour en parler. ⬇️⬇️⬇️


Heureusement, on m'a récemment recommandé de lire un petit précis de philo des sciences, je sais plus qui c'était (@CovaFlorian ?) et du coup j'étais pas largué dans l'intro, même si le concept d'Imre Lakatos peut être expliqué simplement... ⬇️


En gros, une théorie a un noyau dur, si on y touche alors la théorie est changée, ce n'est plus la même. Mais elle a aussi une "ceinture protectrice", une forme d'adaptabilité. C'est ainsi que la théorie de l'école de Columbia va être adaptée aux réseaux socionumériques ⬇️


Bref c'est quoi cette histoire d'école de Columbia ? C'est un modèle d'influence personnelle développé par Katz et Lazarsfeld, dans lequel les leaders d'opinion reçoivent l'information médiatique et vont à leur tour en parler et influencer leur groupe... ⬇️


Prenant ses racines dans les travaux de Tarde, il a été souvent opposé au modèle du récepteur totalement passif auquel les médias "injectent" une information, le modèle de la seringue hypodermique de Lasswell ⬇️


En réalité, ces modèles ne s'opposent pas tant que ça, celui de Lazarsfeld est en réalité une sorte de précision... Mais comme le leader d'opinion filtre l'information, la choisit, l'interprète, il reprend un certain pouvoir, les médias ne sont pas tout-puissants. ⬇️


Le leader d'opinion n'a pas de caractéristiques précises, il est impermanent, il influence temporairement son groupe et dépend de ce dernier. Ce n'est pas un "influenceur" vague, mais justement c'est l'usager-récepteur du quotidien qui parle à son entourage. ⬇️


Ce qui est important pour la cohésion du groupe, c'est qu'on se ressemble, l'homophilie. Cela permet au leader d'opinion d'exercer son influence. Il existe des leaders marginaux dans des groupes marginaux. L'effet sera de renforcer l'opinion du groupe. https://t.co/x0mTHHIG4o ⬇️


Depuis, les critiques de ce modèle n'ont pas vraiment réussi à l'invalider. Ils ont apporté quelques éléments comme la spirale du silence d'Elisabeth Noelle-Neumann, qui fait qu'une personne avec une opinion minoritaire préfère se taire pour ne pas être rejetée ⬇️


Certains détracteurs insistent sur un effet à un seul étage des médias, qui serait quantifiable sur un plus long terme... Mais ils ne nient pas pour autant les deux étages dans l'influence personnelle... ⬇️


Contrairement à ce que beaucoup pensent, le leader d'opinion au sens de Columbia n'est pas du tout un influenceur avec de nombreux followers. Ces influenceurs étant parfois payés et n'ayant pas de relation personnelle directe, ils sont plutôt des médias du premier étage. ⬇️


On peut alors étudier les réseaux socionumériques et surtout le web 2.0 avec les partages, commentaires, réactions dans le cadre de ce modèle, considérant les groupes homophiles en ligne comme "secondaires" par rapport aux groupes IRL primaires. ⬇️


Les bulles de filtre renforcent cette homophilie de groupe. Le prestige s'obtient par les likes et les commentaires. Le passage au second étage se fait par le partage (on exerce une influence sur son groupe) ⬇️


Les médias sont présents sur les réseaux sociaux, le 1er étage y est donc transposé. Quant au 2nd étage, tous les usagers-récepteurs peuvent exercer leur influence en partageant, soit de façon directe, soit indirecte (taguer son entourage) ou soliloque (pas de réaction) ⬇️


En somme, le modèle de Columbia s'adapte très bien aux réseaux socionumériques. Peut-être peut-on encore complexifier le modèle désormais, en analysant les réseaux de partages avec des outils numériques ?


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